Auteurs: Nicolas Walker

Cette alerte offre un regard critique sur la recodification de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme, notamment en ce qui concerne la réforme du contenu des plans locaux d’urbanisme (PLU). Elle concerne l’ensemble des propriétaires et acteurs du secteur immobilier, et plus particulièrement les investisseurs, les aménageurs et les promoteurs.

De nouveau, les opérateurs du secteur immobilier sont confrontés à une évolution réglementaire importante en matière de documents d’urbanisme.

Dans le prolongement de l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 qui a recodifié la partie législative du Code de l’urbanisme, un décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 a opéré une recodification de la partie réglementaire du livre Ier du même code.

Cette recodification s’effectue majoritairement à droit constant, mais elle a également été l’occasion pour le législateur de moderniser les plans locaux d'urbanisme (PLU), en mettant à la disposition des collectivités un cadre plus souple pour l’élaboration de leur plan (I). Le décret modifie également les règles relatives à la destination des constructions (II).

Cette réforme, voulue par les aménageurs au titre de la promotion d’un « urbanisme de projet », soulève plusieurs interrogations. Si la refonte des PLU promet d’offrir de nouvelles possibilités pour certains projets d’aménagement, il risque aussi d’ouvrir la voie à un contentieux de l’interprétation. Il sera essentiel pour les pétitionnaires d’anticiper la vision des collectivités, car ils devront argumenter davantage les mérites de leurs projets au regard des nouveaux « objectifs d’aménagement » instaurés par les collectivités.

Les acteurs publics et privés du secteur immobilier ont discuté des enjeux et conséquences de cette réforme lors des « 2èmes rencontres de l’aménagement opérationnel », le 8 mars 2016 à Paris, en présence d’Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l’Habitat durable.

I. Un règlement précis n’est plus obligatoire sur l’ensemble d’un même territoire communal ou intercommunal Le « règlement » d’un PLU est sa partie normative. Contrairement aux orientations et objectifs posés par les premiers chapitres du plan, le règlement instaure les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols qui conditionnent la délivrance des autorisations d’urbanisme. Il expose, par exemple, les règles volumétriques et d’implantation des bâtiments par zone.

Les enjeux de la refonte du contenu des PLU sont multiples. Les communes auront à leur disposition un outil « à la carte » qu’elles peuvent moduler en fonction de leur projet de territoire, à moindre coût d’élaboration. Les aménageurs et promoteurs, quant à eux, bénéficieront d’un cadre simplifié et assoupli pour présenter leurs projets aux pouvoirs publics.

Les innovations pouvant désormais être mises en œuvre par les collectivités sont les suivantes:

  • Il est maintenant possible pour les communes d’encadrer les zones urbaines (U) et à urbaniser (AU) par de simples « orientations d’aménagement et de programmation », sans recours à un règlement précis pour la zone. De la même manière, le décret prévoit que certaines zones urbaines couvertes par un PLU intercommunal peuvent être régies simplement par le règlement national d’urbanisme (RNU). Les zones naturelles et agricoles, en raison de leurs forts enjeux environnementaux et politiques, demeureront obligatoirement couvertes par un règlement précis.
  • Le règlement de toutes les zones peut être exprimé qualitativement, en un résultat à atteindre défini précisément. Cela se traduirait par la fixation de simples objectifs, plutôt que des règles détaillées et quantitatives (taille des bâtiments, emplacement des constructions, etc.).
  • Il est maintenant facultatif pour les communes de prévoir des règles maximales ou minimales d’emprise au sol et de hauteur des constructions. Les pétitionnaires vont devoir seulement se conformer à un objectif principal : l’intégration urbaine, paysagère et environnementale des constructions.
  • La rédaction du règlement est aussi clarifiée. Par exemple, il est maintenant précisé que les règles présentées dans le règlement peuvent être graphiques et écrites. Lorsque qu’il s’agit d’une règle seulement graphique, il faut que sa force normative soit mentionnée expressément. Pour les pétitionnaires, une lecture très attentive des nouveaux PLU s’imposera donc pour repérer les informations pertinentes, en espérant que les graphiques adoptés par les collectivités seront suffisamment clairs pour éviter des difficultés d’interprétation de la règle d’urbanisme applicable.
  • Enfin, le décret prévoit la création d’un lexique national d’urbanisme, par arrêté ministériel (non encore paru), pour uniformiser le vocabulaire utilisé par les communes dans les documents d’urbanisme. Les acteurs du secteur se réjouiront sans doute de cette initiative, car un vocabulaire juridique peu précis est régulièrement source d’hésitation par les services d’urbanisme durant l’instruction des permis et, par conséquent, de nature à générer des recours.

II. Le régime de la destination des constructions a été remanié Un PLU peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. Cela constitue un moyen pour les collectivités de contrôler la mixité des activités économiques et sociales pratiquées sur son territoire.

Le décret diminue le nombre de destinations de neuf à cinq, à savoir : (1) l’exploitation agricole et forestière, (2) les habitations, (3) le commerce et les activités de service, (4) les équipements d’intérêt collectif, et (5) le service public. Ces destinations sont ensuite subdivisées en vingt nouvelles sous-destinations. Par exemple, la destination « commerce et activités de service » est divisée en artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, et cinéma. Un arrêté du ministre du logement et de l’habitat durable, non encore paru, précisera la définition de ces sous-destinations.

Pour promouvoir la mixité fonctionnelle et sociale, il est maintenant possible de combiner plusieurs destinations au sein même d’une construction ou unité foncière. Ces dispositions permettront donc l’émergence de projets « hybrides » associant l’habitation, le commerce et les loisirs, qui voient de plus en plus le jour, notamment dans le cadre du développement du Grand Paris.

III. Régime Transitoire Cette réforme s’applique aux PLU dont l’élaboration est engagée après le 1er janvier 2016. Toutefois, pour les PLU dont l’élaboration ou une révision a été engagée avant cette date, le conseil municipal peut décider, par une délibération expresse, que l’élaboration ou la révision sera régie par le nouveau décret.

Les « révisions allégées » des PLU existants (telles que définies à article L. 153-34 du Code de l’urbanisme) engagées avant ou après le 1er janvier 2016, restent soumises à l’ancienne réglementation, sauf pour la révision du rapport de présentation et la délimitation des zones urbaines.

La réforme a également vocation à s’appliquer aux PLU intercommunaux (PLUi), dont environ 500 sont élaborés ou en cours d’élaboration à ce jour, selon le Réseau National des Aménageurs. Il convient de rappeler qu’en application des dispositions de la loi dite « ALUR » du 24 mars 2014 (article 136), les communautés de communes et d’agglomération deviennent compétentes de plein droit en matière de PLU, documents d’urbanisme et cartes communales à compter du 27 mars 2017. La réforme des PLU se présente alors en partie comme une étape au passage à la généralisation d’un urbanisme intercommunal, ayant vocation à régir des territoires élargis et des habitats encore plus diversifiés.

IV. Conclusion La portée pratique de l’assouplissement des PLU dépendra de la volonté des collectivités de mettre en œuvre les nouveaux outils mis à leur disposition.

Si une réduction des règles quantitatives pourrait suggérer une extension du contentieux, il faut mettre ces innovations en balance avec d’autres réformes récentes. En effet, la restriction de l’intérêt à agir des associations et des citoyens, à travers la réforme des articles L. 600-1-1 et s. du Code de l’urbanisme, ainsi que l’extension des pouvoirs du juge administratif dans le contentieux des autorisations ont pour objectif de restreindre le contentieux et de raccourcir les procédures.

On notera que certaines communes tiendront à conserver des règles d’aménagement strictes, pour conserver l’identité et la cohérence de leur paysage urbain. Elles pourraient être réticentes à modifier leur PLU pour en réduire la précision. A l’inverse, d’autres communes toujours dotés d’un POS dont les dispositions sont peu précises, pourront se munir plus facilement d’un PLU restant dans la continuité de leur ancien document d’urbanisme.

Pour les pétitionnaires, la complexité des règles, très souvent nuancées par des apports jurisprudentiels, peut être source d’hésitation et d’insécurité. L’intervention d’un avocat spécialisé peut apporter une valeur ajoutée substantielle pour l’avancement des projets, tant pour une aide juridique dans l’interprétation des dispositions du PLU que pour la négociation avec les services communaux, en amont de la constitution du dossier de demande d’autorisation.

Notre expertise Le département immobilier de Reed Smith fournit une assistance juridique à l’ensemble des acteurs de l’immobilier et les accompagne à tous les stades de leurs projets, depuis leur élaboration jusqu’à la réception des ouvrages, en ce inclus l’obtention des autorisations d’urbanisme et la gestion des contentieux privés et publics. Nous intervenons régulièrement dans le cadre d’opérations complexes d’aménagement et de construction, aux côtés des investisseurs, des aménageurs ou des tiers.