Auteurs: Benoit Charot

Le 17 septembre dernier, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision abrogeant pour partie la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 modifiée par la loi n° 2012-1442 du 24 décembre 2012 visant à l’interdiction de l’utilisation du bisphénol A dans les conditionnements à usage alimentaire, faisant ainsi la part belle à la liberté d’entreprendre au détriment du principe de précaution.

On rappellera qu’à l’origine le législateur français avait prohibé cette utilisation dans les biberons puis qu’il avait étendu cette interdiction à « la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur la marché à titre gratuit ou onéreux de (…) tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires », celle-ci ayant pleinement pris effet le 1er janvier 2015. Une telle interdiction allait bien au-delà des directives européennes et la plupart des pays européens ne disposaient pas de telles restrictions sur l’usage du bisphénol A.

C’est dans ce contexte que Plastics Europe, association professionnelle européenne représentant les fabricants de plastique, a saisi le Conseil d’Etat aux fins de voir annuler pour excès de pouvoir une note de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 8 décembre 2014 relative à la loi susvisée et a demandé également au Conseil d’Etat de renvoyer au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionalité portant sur les termes de cette même loi.

C’est ainsi que la Haute juridiction administrative a, le 17 juin dernier, renvoyé au Conseil Constitutionnel cette question prioritaire de constitutionalité, au motif « que le moyen tiré de ce [que ces dispositions] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment de ce qu'elles portent à la liberté d'entreprendre une atteinte non justifiée par le principe de précaution énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement, soulève une question relative à la portée de cette disposition constitutionnelle ».

Le 17 septembre dernier, le Conseil Constitutionnel a considéré que l’interdiction de l’importation et la mise sur le marché national des conditionnements, contenants ou ustensiles comportant du bisphénol A ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif de protection de la santé qui était poursuivi mais a fait partiellement droit à la demande des requérants en jugeant qu’il fallait autoriser la fabrication et commercialisation de tels produits, au motif notamment que ceux-ci étaient autorisés dans de nombreux pays.

Une telle décision, pour le moins surprenante au regard des positions que peuvent prendre régulièrement les juridictions, illustre la difficulté à laquelle est confronté le législateur qui doit déterminer un point d’équilibre, souvent précaire, entre le principe de précaution consacré par notre droit et d’autres principes de valeur équivalente, dont la liberté d’entreprendre, dans le cadre de l’utilisation de substances dont les effets sont souvent peu connus.

 

Alerte 2015-260