Par un arrêt du 3 mars 2015, la Cour de cassation a limité la réparation du préjudice d’anxiété aux salariés remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel inscrivant l’établissement sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit au dispositif de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. (ACAATA)

Cet arrêt a conduit des salariés d’établissements non classés à solliciter l’indemnisation d’un préjudice d’exposition, prétendument distinct du préjudice d’anxiété, qui serait « nécessairement causé au salarié du fait du manquement de l’employeur à son obligation de résultat ».

Ces demandes visaient à l’évidence à contourner la position limitative de la Cour de cassation, soit parce que les salariés ont travaillé dans un établissement non classé, soit parce qu’ils ne remplissent pas les conditions posées par l’arrêté de classement, soit encore parce que l’établissement a été classé ACAATA après son placement en liquidation judiciaire, ce qui engendre de fait une absence d’indemnisation compte tenu du défaut de couverture, dans ce cas, du préjudice d’anxiété par l’Association pour la gestion du régime de Garantie des créances de Salaires (AGS).

C’est précisément à cette hypothèse que se rapporte un arrêt de la Cour de cassation du 27 janvier 2016, s’agissant dans cette espèce d’une société portée sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l’ACAATA mais postérieurement à sa liquidation judiciaire, de telle sorte que la garantie de l’AGS ne jouant qu’à l’égard des créances antérieures à l’ouverture de la procédure collective (C. trav., art. L. 3253-8), la poursuite de la réparation du préjudice d’anxiété n’était pas envisageable pour ces salariés puisqu’ils n’auraient pas obtenu par l’AGS la couverture de celle-ci.

Confrontés à cette situation, ces salariés ont en cours d’instance abandonné leurs demandes au titre du préjudice d’anxiété et demandé la réparation d’un « préjudice distinct du préjudice spécifique d’anxiété, né [du] manquement à l’obligation de sécurité de résultat et non de la connaissance du danger ».

Or, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi en jugeant que « le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l’amiante est constitué par le seul préjudice d’anxiété, dont l’indemnisation répare l’ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d’un tel risqué ». (Cass. Soc. 27 janvier 2016, n°15-10640 & suivants)

Par cet arrêt, la Cour de cassation rejette donc l’indemnisation de tous les préjudices moraux « présenté[s] comme distinct[s] » du préjudice d’anxiété par des salariés revendiquant l’existence d’un préjudice d’exposition au risque d’inhalation de poussières d’amiante.

Cette solution doit être étendue aux établissements non classés ainsi que l’ont d’ores et déjà jugé de nombreuses cours d’appel (CA Bordeaux, Ch. sociale section A, 20 mai 2015, n°13/04422 ; CA Aix-en Provence, 18e Ch. B, 3 juillet 2015, n°13/22769 ; CA Chambery, Ch.sociale 9 juillet 2015, n°14/02860).

En effet, dès lors que la Cour de cassation d’une part, juge que le préjudice d’anxiété répare l’ensemble des troubles psychologiques subis par un salarié qui aurait été exposé à l’amiante et d’autre part, limite la réparation de ce préjudice aux salariés d’établissements classés, les employés des établissements qui n’ont pas été inscrits sur la liste de ceux bénéficiant du régime de l’ACAATA ne peuvent revendiquer subir un quelconque préjudice.

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