Article 4 de l’Ordonnance modifiée : de nouvelles modalités de paralysie temporaire des clauses visant à sanctionner l’inexécution contractuelle
L’ensemble des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses prévoyant une déchéance sont visées par l’Ordonnance, à condition que :
- ces clauses aient pour objet de « sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé » ;
En pratique, sont visées les clauses sanctionnant le débiteur en cas de manquement à une obligation de livrer un bien, fournir une prestation ou rembourser un prêt dans un délai déterminé.
- le délai dont dispose le débiteur pour exécuter son obligation ait expiré pendant la « période juridiquement protégée », c’est-à-dire entre le 12 mars 2020 et « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire » ;
A ce jour, l’état d’urgence sanitaire est entré en vigueur pour une durée de deux mois et prend donc fin le 24 mai 2020. Cependant, la date du 24 mai pourrait être modifiée prochainement afin d’accompagner une reprise de l’activité économique et le retour aux règles de droit commun de computation des délais.
Tout d’abord, le cours des astreintes et l’application des clauses pénales ayant pris effet avant le 12 mars 2020 sont toujours « suspendus » depuis cette date jusqu’à la fin de la période juridiquement protégée (24 juin 2020).
Par ailleurs, l’ordonnance du 15 avril 2020 modifie le mécanisme de report pour les clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation échue après le 12 mars 2020, pendant la période juridiquement protégée. Ces clauses voient leurs effets paralysés (elles sont « réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet ») jusqu’à l’expiration d’un délai égal à la « durée d’exécution du contrat impactée par les mesures résultant de l’état d’urgence sanitaire ».
Le créancier ne peut plus se prévaloir de ces clauses pendant cette période, et le débiteur dispose donc ainsi d’un nouveau délai. Ainsi, une clause pénale sanctionnant le non-respect d’une échéance attendue dix jours après le début de cette période produira son effet à l’égard du débiteur dix jours après la fin de la période juridiquement protégée.
Cette disposition bénéficie à tout débiteur ayant manqué à une de ses obligations contractuelles dans un délai déterminé, sans distinction de la cause de l’inexécution : ainsi, à la différence de la force majeure, il n’est donc pas nécessaire que l’inexécution ou le manquement soit directement imputable à la crise sanitaire pour bénéficier de la paralysie de ces clauses. Il est réputé l’être. Pas besoin non plus d’avoir recherché de solutions alternatives.
Par ailleurs, l’ordonnance du 15 avril 2020 étend également le mécanisme de report aux clauses sanctionnant une obligation échue après la fin de la période juridiquement protégée, soit après le 24 juin 2020. Ce report sera également calculé, après la fin de la période juridiquement protégée, en fonction de la durée d'exécution du contrat qui aura été impactée. Seules les obligations de faire seront concernées. En effet, concernant les obligations de somme d’argent, le rapport au Président de la République renvoie les débiteurs en difficultés à d’autres mécanismes de droit commun tels des délais de grâce ou les règles applicables aux procédures collectives.
Article 5 de l’Ordonnance : prorogation de la période de résiliation et du délai de dénonciation des contrats tacitement renouvelables jusqu’au 24 août 2020 (à ce jour)
L’Ordonnance vise toujours l’hypothèse où les parties disposent d’une faculté de résiliation du contrat durant une période déterminée ou d’une faculté de dénonciation du contrat tacitement renouvelable dans un délai déterminé.
Dès lors que cette faculté de résiliation ou de dénonciation expire entre 12 mars 2020 et « l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence », elle est prolongée de deux mois après cette période, soit – à ce jour – jusqu’au 24 août 2020.
C’est véritablement une « super force majeure » qui est ainsi mise en œuvre pour les quatre et cinq mois à venir. Cependant, si les articles 4 et 5 de l’Ordonnance du 25 mars 2020 constituaient une réelle entorse à la force obligatoire des contrats pendant une période de plusieurs mois en prévoyant un « ordre public temporaire », le rapport au Président de la République du 16 avril 2020 semble désormais atténuer cet effet et permettre une liberté contractuelle : en effet, le rapport fait mention de la possibilité d’écarter les dispositions de l’article 4 de l’Ordonnance par des clauses expresses ou de renoncer à se prévaloir de ces dispositions. Au vu de la complexité du régime et des changements importants intervenus quant à sa mise en œuvre, cette solution sera sans doute privilégiée à condition que les parties prennent des mesures immédiates sur l’exécution de leurs contrats.
Plus que jamais, l’anticipation de la sortie de crise doit donc être au centre des préoccupations.
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