Les risques psychosociaux correspondent, selon l’INRS, à « des situations de travail où sont présent, concomitamment ou non :
- du stress : déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ;
- des violences externes :insultes, menaces, agressions exercées dans le cadre du travail par des personnes extérieures à l’entreprise ;
- des violences internes : harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés entre deux ou plusieurs personnes de l’entreprise. »1
Ces risques peuvent être induits par l’activité elle-même ou générés par l’organisation et les relations de travail et comme le souligne l’INRS, « il n’y a pas de solutions toutes faites pour lutter contre les risques psychosociaux ; d’une entreprise à l’autre, d’une situation de travail à l’autre, les facteurs de RPS sont différents. Les solutions sont donc à rechercher pour chaque entreprise après une évaluation ou un diagnostic approfondi des facteurs de RPS qui lui sont propres. La démarche de prévention collective, centrée sur le travail et son organisation, est à privilégier ».
Aujourd’hui, il appartient par conséquent aux employeurs d’être vigilants et de prévenir les risques psychosociaux qui pourraient résulter du télétravail.
- L’employeur est soumis à une obligation de sécurité de résultat même pour les salariés en télétravail
L’article 1222-9 du Code du travail dispose que « le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».
De manière générale, l’employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés, d’une obligation de sécurité de résultat, et à ce titre doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de ses salariés.2
D’ailleurs, le Code du travail prévoit expressément que l’employeur a les mêmes obligations en matière de prévention des risques professionnels à l’égard de tous les salariés y compris à l'égard des salariés en télétravail.3
A titre d’exemple, l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.4
L’employeur peut bien évidement contester le caractère professionnel de cet accident mais en pratique, il est difficile pour l’employeur de démontrer que l’accident a eu lieu en dehors du temps de travail ou du lieu de travail ou qu’il est dû à une cause totalement étrangère au travail.
L’obligation de prévention des risques professionnels conduit également à s’interroger sur le risque de maladies professionnelles.
Aujourd’hui, il n’existe pas de tableaux de maladies professionnelles concernant les atteintes liées aux risques psychosociaux mais il convient de souligner qu’une maladie même non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle par un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), lorsque la maladie entraine le décès ou une incapacité permanente partielle d’au moins 25 % et qu’un lien direct et essentiel est établi entre la pathologie développée par le salarié et son travail habituel.
D’ailleurs, depuis la loi n°2015-994 du 17 août 2015, il est expressément prévu à l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale que les pathologies psychiques peuvent être reconnues d'origine professionnelle.
A cet égard, il convient de préciser qu’un décret du 7 juin 2016 relatif à l’amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles et du fonctionnement des CRRMP est venu renforcer l'expertise médicale des CRRMP en leur adjoignant en tant que de besoin la compétence d'un professeur des universités-praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie lorsque sont étudiés des cas d'affections psychiques.
Enfin, en dehors du régime de reconnaissance des maladies professionnelles, il ne faut pas exclure comme l’ont démontré des exemples antérieurs, que la responsabilité pénale des employeurs peut être recherchée même dans des situations extrêmes telles que le suicide d’un salarié survenant à son domicile.
- Le devoir de vigilance des employeurs
L’employeur devra par conséquent être vigilant pendant la période du confinement et tenir compte des éléments ci-dessous afin de veiller au mieux à la santé et à la sécurité de ses salariés :
- L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : En situation de confinement, l’équilibre du temps entre la vie privée du salarié et son activité professionnelle peut être bouleversé, le salarié pouvant être amené à partager son espace de travail avec sa famille, et le cas échéant ses enfants.
- Le risque de « burn-out » lié à l’hyper-connexion au travail : En raison de la distance, certains salariés peuvent être amenés à participer à de nombreuses conférences, réunions et appels et par conséquent ne pas se déconnecter du travail.
- Le stress lié aux objectifs : Le salarié, qui n’est peut-être pas télétravailleur régulier, risque d’être moins productif qu’en présentiel ce qui peut être pour lui créateur de stress.
- Le risque d’isolement de certains salariés : Le fait de ne pas se rendre sur le lieu de travail, le caractère anxiogène de la situation liée au Covid-19 et d’autres difficultés matérielles peuvent renforcer ce risque.
Par ailleurs, il est rappelé aux employeurs que tout salarié bénéficie d’un droit à la déconnexion, même en période de télétravail, ce dernier disposant des mêmes droits que le salarié qui effectue le travail dans les locaux de l’entreprise.
Ce droit à la déconnexion permettant à tout salarié de ne pas être joignable en permanence, en dehors de ses heures de travail, pour des motifs liés à l’exécution de son travail afin de protéger son temps de repos et son droit au respect de la vie privée et familiale.
- La nécessaire mise en place de mesures de prévention par les employeurs
Il est important pour les employeurs de noter que la survenance d’un accident du travail ou la reconnaissance d’une maladie professionnelle peut avoir des conséquences financières très importantes pour l’entreprise.
Dans la métallurgie par exemple, un accident du travail ou une maladie professionnelle entrainant une incapacité permanente partielle de 40% ou plus ou le décès du salarié conduit à l’imputation d’une somme de 645.626,00 euros en 2020.5
Mais il existe également un risque de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur s’il est établi par le salarié, ou ses ayants droit, qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il a été exposé et qu’il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
L’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur s’entend véritablement d’un devoir de prévention et il appartient donc à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la santé et à la sécurité des salariés.
Afin de prévenir les risques psychosociaux développés pendant le confinement, les mesures suivantes pourraient être mises en place par l’employeur :
- Assurer une communication et une information active au sein de la société pour éviter l’isolement des salariés.
Cependant, l’employeur doit veiller à ne pas sur-communiquer et ajouter du stress à une situation qui pourrait déjà crée une anxiété pour le salarié.
- Rappeler aux salariés leurs droits en matière de déconnexion et les bonnes pratiques en la matière.
L’employeur et le salarié peuvent s’entendre sur les horaires de travail afin d’appréhender au mieux l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
- Former et sensibiliser les managers.
L’employeur peut rappeler aux managers la nécessité de faire des points réguliers avec les salariés dont ils ont la charge, afin d’échanger au mieux sur l’organisation et la charge de travail confiée, qui doit être raisonnable et adaptée en fonction de la situation des différents salariés.
Le devoir de prévention impose encore, et il convient de ne pas négliger cet aspect, que les employeurs mettent à jour le document unique d’évaluation des risques, en y intégrant les risques qui peuvent découler de la mise en place, ou non, du télétravail pendant la période de l’état d’urgence sanitaire.
Enfin, il convient de garder à l’esprit que le risque de développer des pathologies psychiques sera tout aussi élevé pendant la période du déconfinement progressif à venir voire après celui-ci, en ce que l’épidémie du Covid-19 ne sera pas terminée et que le risque d’être contaminé ne sera pas moins réel qu’aujourd’hui que ce soit sur le lieu de travail ou durant le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail.
Cette période pourrait être d’autant plus difficile à gérer que le télétravail pourrait continuer à être utilisé, au moins partiellement, ou que des salariés pourraient être obligés de se déplacer ou de travailler sur des plages horaires décalées, ce qui pourrait amplifier le développement de ces risques.
L’employeur devra par conséquent pendant cette période aussi, rester vigilant et prendre les mesures nécessaires pour que soit assuré la santé et à la sécurité de ses salariés et que soit éviter tant que possible tout « déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ».6
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- INRS, « Risques Psychosociaux, Comment agir en prévention ? », ED 6349, avril 2020
- Article L. 4121-1 du Code du travail
- Article L. 1222-10 du Code du travail
- Article L. 1222-9 du Code du travail
- Arrêté du 27 décembre 2019 relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour l’année 2020
- INRS, « Risques Psychosociaux, Comment agir en prévention ? », ED 6349, avril 2020
Client Alert 2020-263