1. L’applicabilité de la prorogation
L’article 1er de l’ordonnance précise le domaine d’application matérielle et temporelle du mécanisme de prorogation des délais.
(i) Ratione materiae, le mécanisme de prorogation est applicable, très largement, à l’ensemble des « délais et mesures » d’origine légale ou règlementaire à l’exception de matières limitativement exclues, à l’instar du droit pénal et de la procédure pénale.
L’article 2 de l’ordonnance précise la nature des « actes protégés » qui bénéficient du report légal selon une liste ouverte conditionnée par trois critères tenant à l’acte, sa source et sa sanction : tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non-avenu ou déchéance d'un droit quelconque.
(i) Ratione materiae, le mécanisme de prorogation est applicable, très largement, à l’ensemble des « délais et mesures » d’origine légale ou règlementaire à l’exception de matières limitativement exclues, à l’instar du droit pénal et de la procédure pénale.
(iii) Ratione loci, le mécanisme de prorogation constitue une mesure d’ordre public qui s’applique distinctement devant le juge français selon qu’elle touche au droit processuel ou au droit substantiel.
Lorsque les délais résultent de dispositions purement procédurales, comme le délai de péremption ou le délai d’enrôlement, la question ne soulève aucune difficulté dès lors que la procédure est classiquement soumise à la loi du juge saisi, sous réserve d’exceptions limitées, notamment quant à l’appréciation de l’intérêt à agir.
Lorsque les délais concernent le droit substantiel, à l’instar de la prescription ou des clauses résolutoires, il convient en principe de consulter le droit applicable au fond, conformément aux règles de conflit, pour en déterminer les modalités d’application : durée, point de départ, causes de suspension ou d’interruption et sanction. Corrélativement, le mécanisme de prorogation des délais prévu par l’ordonnance ne sera pas applicable lorsque la situation litigieuse sera soumise au droit étranger.
Néanmoins, ce mécanisme pourra éventuellement pénétrer la situation litigieuse dans une mesure différente selon qu’elle sera soumise à une convention internationale ou à un droit national.
- Dans la première hypothèse, lorsque le litige est soumis aux dispositions d’une convention internationale, comme la Convention de Bruxelles de 1924 relative à la responsabilité du transporteur maritime, les dispositions de droit français permettant de computer les délais (calcul, suspension, interruption…) demeurent applicables, à titre subsidiaire, dans le silence du texte conventionnel. Par analogie, le mécanisme de prorogation des délais pourra être appliqué, notamment au titre de la prescription, en complément des dispositions conventionnelles.
- Dans la seconde hypothèse, lorsque le litige est soumis aux dispositions d’un droit étranger, par exemple le droit italien qui soumet l’action en responsabilité du transporteur terrestre à un délai de prescription annale, les dispositions de droit français sont en principe radicalement écartées du litige. Il appartient donc au justiciable de respecter les prescriptions du droit étranger qui ont une vocation exclusive. Néanmoins, il n’est pas exclu qu’un juge français applique exceptionnellement le mécanisme de prorogation nonobstant l’application d’un droit étranger dès lors que les diligences requises par ce droit devaient être effectuées, au moins partiellement, sur le territoire national.
2. L’application de la prorogation
Dès lors que les conditions d’applicabilité précitées sont réunies, le justiciable est en droit de bénéficier de la prorogation des délais instituée par l’article 2 de l’ordonnance.
Cette prorogation a pour effet de reporter le délai dans les conditions suivantes : tous les « actes protégés » qui devaient être accomplis durant la « période protégée » seront réputés avoir été accomplis en temps utile s’ils sont effectués dans le délai imparti à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois.
Autrement dit, la prorogation des délais constitue un double mécanisme de :
- suspension durant la « période protégée » (état d’urgence sanitaire majoré d’un mois) ; et
- d’interruption limitée à deux mois à compter de la fin de cette « période protégée ».
Tous les « actes protégés » qui devaient être accomplis durant la « période protégée » recommencent ainsi à courir pour un nouveau délai, à compter de la fin de cette période, qui ne pourra excéder deux mois.
Sont ainsi concernés :
- le délai de prescription de l’action contre le transporteur maritime, qui est d’un an à compter de la date de remise de la marchandise (art. L 5422-18 du code des transports, art. 3§6 de la Convention de Bruxelles) ;
- le délai de prescription de l’action contre le manutentionnaire portuaire, qui est d’un an à compter de la date de remise de la marchandise (art. L 5422-25 du code des transports) ;
- le délai de prescription de l’action contre le transporteur terrestre, qui est d’un an à compter de la date de remise de la marchandise (art. L 133-6 du code de commerce) ;
- le délai de prescription de l’action contre le commissionnaire de transport, qui est d’un an à compter de la date de remise de la marchandise (art. L 133-7 du code de commerce) ;
- le délai de l’action récursoire contre le transporteur terrestre ou le commissionnaire de transport, qui est d’un mois à compter de la date de l’action principale (art. L 133-6 du code de commerce) ;
- le délai de l’action récursoire contre le transporteur maritime ou manutentionnaire portuaire, qui est de trois mois à compter de la date de l’action principale ou du règlement amiable (art. L 5422-18 du code des transports).
En pratique, dès lors que la prescription était acquise durant la « période protégée », les actions principales contre les auxiliaires de transport précités et les actions récursoires du droit maritime pourront être introduites dans le délai de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, alors que les actions récursoires contre le commissionnaire de transport et le transporteur terrestre devront être introduite dans le délai de deux mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
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