Depuis le 16 mars 2020, les juridictions sont en effet fermées et toutes les audiences sont reportées sauf celles concernant les contentieux considérés comme « essentiels ». En pratique, la justice est donc à l’arrêt et il est actuellement très difficile d’avoir accès à un juge.
Quatre ordonnances publiées au Journal officiel le 26 mars 2020 ont mis fin à ces incertitudes en instaurant des mesures provisoires applicables à compter du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Ces ordonnances se réfèrent à l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, qui a fixé la fin de l’état d’urgence sanitaire au 24 mai 2020, étant précisé que cette période pourra faire l’objet d’une prorogation ultérieure. Ces mesures sont salutaires mais risquent de bouleverser un calendrier judiciaire déjà sous tension. Les délais de procédure risquent d’être considérablement allongés.
Une fois la crise sanitaire passée, la durée des procédures sera certainement un élément central dans la définition des stratégies judiciaires. Les modes alternatifs de règlement des conflits pourront être une piste à explorer, tout en gardant à l’esprit que le système juridique français reste assez favorable aux créanciers dans la mise en œuvre de mesures conservatoires et que, depuis le 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire.
Les ordonnances entreprises visent avant tout à limiter l’activité juridictionnelle aux contentieux essentiels (1.). Ces derniers sont aménagés afin de respecter les règles sanitaires (2.) et les délais de procédure sont prorogés (3.).
- L’activité juridictionnelle est limitée aux contentieux essentiels
Toutes les audiences sont actuellement reportées, sauf pour les contentieux considérés comme « essentiels ». Les délibérés ont été prorogés sine die.
La possibilité de saisir un tribunal pendant la période d’état d’urgence sanitaire est ainsi limitée aux cas suivants :
- Les procédures d’urgence devant le juge civil (référés civils et commerciaux) ;
- Les demandes d’ouverture d’une procédure pour les entreprises en difficultés (conciliation, mandat ad hoc, sauvegarde, etc.) ;
- Le contentieux pénal urgent et indispensable (audiences en matière de détention provisoire, de comparution immédiate, etc.)
Une des difficultés majeures qui se pose est l’appréciation du caractère urgent des dossiers par les juridictions, qui risque d’être appréciée de manière stricte.
Afin d’éviter l’engorgement des audiences de référés maintenues les juridictions pourront par ordonnance non contradictoire rejeter les demandes avant l’audience. Ces décisions ne pourront faire l’objet d’aucun recours.
- Les audiences essentielles sont aménagées en vue de respecter les mesures sanitaires
Pour les contentieux essentiels maintenus, les juridictions de l’ordre judiciaire (excepté en matière criminelle) auront la possibilité de tenir leurs audiences par visio-conférence ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle.
Le principe de publicité des audiences pourra également être restreint.
Les juridictions pourront statuer à juge unique. Un transfert de compétence pourra également être prononcé vers une juridiction de même nature ou du même ressort, lorsqu’une juridiction de premier degré est dans l’incapacité totale ou partielle de fonctionner.
- La prorogation des délais de procédures
En matière pénale,1 les délais de prescription de l’action publique et des peines à compter du 12 mars 2020 sont suspendus jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire jusqu’au 24 juin 2020.2
Les délais de recours sont également doublés sans qu’ils puissent être inférieurs à 10 jours.
Les recours et demandes pourront être faits par lettre recommandée avec accusé de réception, voire dans certains cas par courriel.
En matière civile,3 tous les délais arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire sont reportés.
Contrairement à l’ordonnance sur la matière pénale, il ne s’agit pas de la suspension ou de l’interruption classique des délais en matière civile.
Ce report est général et concerne:
- Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque.
- Les mesures administratives ou juridictionnelles telles que les expertises judiciaires, les mesures conservatoires ou encore des mesures d’instruction, de médiation ou de conciliation dont le terme serait échu pendant la période d’urgence sanitaire.
Les délais conventionnels ne sont pas concernés par ces mesures provisoires et il revient donc aux parties de les aménager si cela s’avère nécessaire.
En pratique, les délais échus avant le 12 mars 2020 ou après le 24 juin 2020 ne sont pas reportés.
Seuls sont donc concernés les délais dont le terme arrivait à échéance dans la période s’écoulant du 12 mars 2020 au 24 juin 2020. Les actes ou formalités à réaliser dans ce délai pourront l’être si cela est possible. Néanmoins, un délai supplémentaire maximal de deux mois pour agir est accordé, soit jusqu’au 24 août 2020.4
Si le délai initial est inférieur à deux mois, il faudra agir dans le délai imparti par la loi ou par le règlement, et s’il est supérieur à deux mois, il conviendra alors d’agir dans un délai de deux mois.
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Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020
- Sous réserve de l’absence de prorogation ultérieure de l’état d’urgence sanitaire.
- Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
- Sous réserve de l’absence de prorogation ultérieure de l’état d’urgence sanitaire.
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