Reed Smith In-depth

Le 1er décembre 2021, la réduction du tarif d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques dont la puissance de crête est supérieure à 250 kW pour les contrats d’achat conclus avant août 2010 prévue à l’article 225 de la loi des Finances pour 2021 entera en vigueur. La baisse du tarif de rachat de l’électricité va avoir un impact sur les opérateurs économiques de la filière. Bien que le dispositif prévoie une clause de sauvegarde réservée aux opérateurs dont la viabilité économique est compromise, il est possible que la réduction tarifaire, sans compromettre la viabilité économique du producteur, affecte sa situation financière ou la valeur de ses actifs. Cette note présente le nouveau régime applicable et aborde la question des possibles recours contre l’Etat pour les opérateurs étrangers affectés par la baisse de tarifs.

Introduction

Le 29 décembre 2020, l’Assemblée Nationale avait adopté un amendement à la Loi des Finances pour 2021 avec notamment l’ajout de l’article 225 qui prévoit la réduction du tarif d’achat de l’électricité produite par certaines installations photovoltaïques. Cette réduction tarifaire concernera les contrats d’achat conclus avant décembre 2010 pour les installations dont la puissance de crête est supérieure à 250 kW. Le décret1 et l’arrêté d’application2 de ce texte ont été publiés au Journal Officiel le 27 octobre dernier et prévoient que la baisse entrera en vigueur le 1er décembre 2021.

Cet amendement intervient afin de corriger les tarifs applicables antérieurement au « moratoire » du photovoltaïque intervenu en décembre 2010.3

A travers les textes récents d’application, les modalités de la baisse tarifaire sont désormais mieux connus. Il est dès lors possible de se pencher sur les conséquences de cette mesure sur les opérateurs d’installations solaires et sur les moyens offerts à ces derniers pour s’en prémunir.

Rappel du carde légal du tarif d’achat d’électricité solaire

En application de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, puis des articles L. 314-1 et s. duCode de l’énergie, les distributeurs d’électricité sont tenus de conclure, avec les producteurs qui en font la demande, un contrat à prix fixe pour l’achat d’électricité produite sur le territoire national par les installations utilisant les énergies renouvelables. Ce mécanisme d’obligation d’achat a été introduit afin d’encourager la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité au niveau national. Les surcoûts qui en résultaient pour les distributeurs sont intégralement compensés par l’Etat.

La mise en place de cette compensation combinée à l’instauration d’un tarif d’achat fixe pendant 20 ans a sans conteste contribué à l’essor des installations solaires en incitant les investissements dans ce domaine. Le coût relativement élevé des panneaux solaires justifiait la mise en place d’un tarif d’achat important afin de rendre les investissements demandés par l’Etat rentables et donc attractifs.

Modalités de la réduction tarifaire

Le gouvernement français estime aujourd’hui que le soutien public à la production d’électricité par ces installations, tel qu’il a été mis en place entre 2006 et 2010, « s’est révélé (…) trop élevé au regard de la baisse importante des coûts »4. La réduction tarifaire est donc destinée à diminuer le montant de la compensation due par l’Etat en matière d’électricité d’origine solaire, « de telle sorte que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, n'excède pas une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation »5.

Cette réduction tarifaire concerne les installations utilisant l’énergie radiative du soleil au moyen des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques (i) dont la puissance de crête est supérieure à 250 kW, et (ii) ayant conclu les contrats d’achat d’électricité en application des arrêtés du 10 juillet 2006, du 12 janvier 2010 et du 31 août 2010. D’après le rapport de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 20216, la mesure affectera entre environ 800 et 1000 contrats passés avec les plus gros acteurs de la filière, sur les 235 000 contrats d’achat d’électricité d’origine solaire conclus, pour une économie estimée à 400 millions d’euros par an pour l’Etat.

Les nouveaux tarifs et donc le niveau de la réduction dépendent de plusieurs facteurs et notamment de l’arrêté tarifaire au titre duquel le contrat d'achat est conclu, de la date de mise en service de l'installation, de la localisation géographique, des conditions de fonctionnement de l'installation, en particulier de ses caractéristiques techniques, notamment de sa puissance crête, de sa localisation au sol ou sur bâtiment et, le cas échéant, de son intégration ou non au bâti, au sens d'une typologie commune issue des arrêtés de 2006 et 2010 précités7. Le tarif d’achat révisé s’appliquera pour la durée du contrat restant à courir.

L’Arrêté, publié le même jour que le décret d’application, précise le mécanisme de réduction, le détail des formules de calculs des tarifs et les grilles des différents paramètres entrant dans les formules de calcul. L’énergie annuelle susceptible d’être achetée est plafonnée ; le plafond étant défini comme le produit de la puissance crête contractuelle par un nombre d’heures par an qui varie selon le type et la localisation de l’installation. L’énergie produite au-delà des plafonds est rémunérée à la valeur minimum entre le tarif révisé et 5 c€/kWh8.

L’article 5 du Décret d’application prévoit également que « par dérogation à l’article R. 314-9 du code de l'énergie, les contrats d'achat visé par la baisse du tarif pourront être résiliés avant leur date d'échéance sur demande du producteur ». Toutefois le texte prévoit que l'indemnité de résiliation prévue par la disposition précitée reste due par le producteur en cas de cessation d'exploitation de l'installation et lorsque la date de la cessation d'exploitation est antérieure à celle initialement prévue par le contrat. Rappelons que l’indemnité est égale aux sommes actualisées perçues et versées au titre du contrat depuis la date de prise d'effet du contrat jusqu'à sa résiliation.

L’alinéa 2 de l’article 225 prévoit une « clause de sauvegarde » permettant d’adapter le tarif à l’installation, en vertu duquel « sur demande motivée d’un producteur, les ministres chargés de l’énergie et du budget peuvent, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie, fixer par arrêté conjoint un niveau de tarif ou une date différente […], si ceux-ci sont de nature à compromettre la viabilité économique du producteur […]  [L]es ministres chargés de l’énergie et du budget peuvent également allonger la durée du contrat d’achat »9.

Le décret d’application est venu quant à lui préciser les modalités pratiques et la procédure à suivre pour demander de bénéficier du mécanisme de sauvegarde10. Il est précisé qu’une seule demande de réexamen par contrat d'achat pouvait être adressée à la Commission de régulation de l'énergie. A noter que la demande de réexamen suspend l'application de la réduction de tarif pour une période de seize mois maximum. Au terme de cette période de suspension, à défaut de décision différente, le nouveau tarif s’applique.