Ce protocole précise les mesures devant être prises par les employeurs pour faire face à la pandémie du Covid-19 (1). Ces mesures de prévention sont d’autant plus importantes que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité renforcée vis-à-vis de ses salariés et que tout manquement peut s’avérer lourd de conséquences (2).
- Les mesures préconisées par le gouvernement afin d’assurer la santé et la sécurité des salariés au travail
a. Les mesures collectives de protection des salariés
Le protocole préconise des employeurs qu’ils prennent tout d’abord des mesures collectives de protection des salariés au rang desquels figurent le télétravail, le séquencement des activités ou encore la désinfection des locaux.
Ainsi, les employeurs sont invités à privilégier en premier lieu le télétravail, qui doit aux termes même du protocole « rester la règle ». Pendant son discours dédié au plan de déconfinement du gouvernement, Édouard Philippe a d’ailleurs indiqué que « le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible » et a demandé aux entreprises de le maintenir au moins jusqu’au 2 juin prochain.
Le recours au télétravail peut cependant générer d’importants risques pour les salariés et notamment des risques de stress, d’épuisement professionnel (ou « burn-out ») et plus largement toutes formes de mal-être au travail et les employeurs doivent donc là aussi prendre des mesures afin d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés en télétravail.2
Lorsque la présence des salariés sur les lieux de travail est nécessaire, il leur est conseillé de séquencer les activités et de mettre en place des horaires décalés afin de limiter les risques d’affluence et permettre le respect des règles de distanciation sociale.
A cet égard, le Gouvernement a retenu un critère d’occupation maximale des espaces en milieu de travail et fixé à 4 m² minimum par personne l’espace nécessaire pour permettre à des personnes présentes simultanément dans un même lieu d’évoluer dans le respect des règles de distanciation physique étant précisé que la surface à prendre en compte par l’employeur est la surface totale, auxquelles il faudra retrancher la surface occupée par les rayonnages, les réserves, les étagères, etc.
Les employeurs sont également invités à mettre en place des plans de circulation, telles que la circulation en sens unique dans les ateliers, couloirs ou escaliers si la configuration des lieux le permet. Ces plans de circulation devront être également appliqués lorsqu’une personne intervient dans l’entreprise tel qu’un prestataire.
L’employeur doit encore faire procéder à un nettoyage des locaux et des surfaces de contact les plus usuelles telles que les poignées de porte, les tables, les postes de travail mais également les rampes d’escaliers.
Il doit enfin informer ses salariés des risques de contamination, leur rappeler les gestes barrières et la distanciation sociale et former ces derniers à l’emploi des équipements de protection. Cette information peut être effectuée par tout moyen et plus particulièrement par voie d’affichage, par l’envoi de courriel réguliers au personnel ou encore par la mise en place de commission d’accompagnement des salariés.
b. Les mesures individuelles de protection des salariés
Lorsque l’ensemble de ces précautions n’est pas suffisant pour garantir la protection de la santé et de la sécurité des personnes, le protocole de déconfinement prévoit qu’elles doivent être complétées par des mesures de protection individuelle, telles que le port du masque.
Le principe de précaution devrait cependant, selon nous, conduire les entreprises à imposer aux salariés, et aux prestataires extérieurs, le port du masque et cela même lorsque les mesures collectives prises semblent suffisantes.
D’ailleurs, l’histoire récente montre que les dispositions légales et réglementaires n’ont pas toujours été suffisantes à assurer la santé et la protection des salariés et les employeurs ont donc aujourd’hui un intérêt certain, dans le respect des prescriptions du protocole de déconfinement, à adapter ces prescriptions à la réalité de leur activité, de la configuration de leurs locaux, etc.
Il convient de rappeler à cet égard qu’il appartient à l’employeur d’informer ses salariés sur les modalités d’utilisation des masques, de s’assurer du bon approvisionnement des masques à usage unique mais également de prévoir un espace clos permettant leur élimination dans les plus strictes conditions.
c. Les autres aspects du déconfinement
Le protocole national de déconfinement interdit purement et simplement les campagnes de dépistages et précise que les employeurs ne sont pas autorisés à tester les salariés même s’ils peuvent inviter ceux présentant des symptômes à ne pas se rendre sur le lieu de travail.
Les employeur peuvent par contre prévoir une prise de la température des salariés qui entrent sur le site mais, dans ce cas, ils doivent intégrer cette possibilité dans le règlement intérieur au titre de l’article L.1321-5 du code du travail et le communiquer au comité social et économique (CSE) et à l’inspection du travail, étant précisé que cette mesure doit être proportionnée à l’objectif recherché et offrir toutes les garanties requises aux salariés concernés, tant en matière d’information préalable que d’absence de conservation des données. La CNIL a d’ailleurs enjoint les employeurs à « s’abstenir de collecter de manière systématique (…) des informations relatives à la recherche d’éventuels symptômes présentés par un employé / agent et ses proches ».3
Enfin, l’employeur est invité à rédiger préventivement une procédure ad hoc de prise en charge sans délai des personnes asymptomatiques ou pouvant présenter des symptômes sur le lieu de travail, procédure qui permettra par exemple d’isoler rapidement les salariés malades dans une pièce dédiée ou les inviter à rentrer chez elles et contacter leur médecin traitant.
- L’obligation de prévention des risques de contamination du Covid-19
Ces mesures de prévention, comme nous l’avons déjà rappelé, sont d’autant plus importantes que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité renforcée vis-à-vis de ses salariés et que tout manquement peut s’avérer lourd de conséquences.
a. Le risque de préjudice d’anxiété
Le respect des mesures de prévention dans la lutte contre le Covid-19 est de mise durant cette période où le virus n’ayant pas disparu, le retour au travail des salariés pourra être, dans de nombreux cas, générateur d’anxiété.
Il convient de rappeler qu’au titre de l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur doit prendre les mesures de prévention appropriées afin de protéger ses salariés des risques de contamination par le Covid-19.
Cette obligation de sécurité impose à l’employeur de respecter et de faire respecter par ses salariés les règles de sécurité sanitaires, et le manquement à cette obligation peut engager la responsabilité de l’employeur et le conduire à devoir indemniser le préjudice d’anxiété de son ou ses salariés.
En effet, depuis un arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 5 avril 2019, la Haute Cour juge qu’ « il y a lieu d’admettre, en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à [une substance nocive ou toxique], générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ».4
Le salarié a dans cette hypothèse la charge de la preuve et doit établir son exposition, le risque élevé de développer une pathologie grave, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et enfin le préjudice personnellement subi résultant de cette exposition.
Il n’en demeure pas moins qu’un risque important pèse désormais sur l’employeur qui ne pourra s’exonérer de sa responsabilité que s’il démontre avoir respecté son obligation légale de sécurité et notamment avoir pris les mesures de protection et de prévention des risques visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il peut être important à cet égard d’associer directement les salariés ou leurs représentants mais aussi le CSE, à la prévention du risque de contamination au Covid-19.
b. Le risque d’accident du travail et de maladie professionnelle
Le respect des mesures de prévention dans la lutte contre le Covid-19 est également important en ce que, dans certains cas, la contamination au Covid-19 pourrait être reconnue d’origine professionnelle et donner lieu à la qualification d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
Il convient de rappeler que la maladie professionnelle se distingue de l’accident du travail en raison du caractère lent et progressif de l’apparition de l’affection au cours du travail. L’accident exige en effet un évènement précis et soudain qui rend d’ailleurs, a priori, plus difficile la qualification d’accident du travail dans le cadre d’une contamination par le Covid-19.
La difficulté d’identifier de façon certaine l’origine de la contamination, qui peut également avoir lieu en dehors du temps et du lieu de travail, peut en effet laisser penser qu’il sera plus difficile de qualifier une contamination au Covid-19 d’accident du travail d’autant plus que, comme l’indique l’Institut Pasteur « la durée de l'incubation est en moyenne de 5 jours, avec des extrêmes de 2 à 12 jours, [que] l'installation des symptômes se fait progressivement sur plusieurs jours, contrairement à la grippe qui débute brutalement [et que] les premiers symptômes sont peu spécifiques : maux de tête, douleurs musculaires, fatigue. La fièvre et les signes respiratoires [arrivant] secondairement, souvent deux ou trois jours après les premiers symptômes ».5
Il ne faut cependant pas oublier que l’accident survenu au temps et lieu de travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail ce qui est dans les faits une preuve souvent impossible à rapporter.6
La qualification de maladie professionnelle peut paraitre plus évidente même si la Caisse Primaire d'Assurance Maladie devra, la maladie n’étant pas inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, solliciter l’avis d’un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.
Le coronavirus se transmet par des gouttelettes invisibles qui sont projetées, lorsqu’un sujet parle, tousse ou éternue et par contact avec des mains non lavées sur des surfaces sur lesquelles peut se déposer le virus lorsque les mains sont ensuite portées au visage.
Dans le cadre de son activité professionnelle, un salarié peut donc être exposé au risque de contamination par le Covid-19.
Or, à la différence de certains troubles musculo-squelettiques, d’hémopathies provoquées par le benzène ou encore de lésions provoquées par des amines aromatiques, qui exigent une exposition prolongée, il suffit que le salarié établisse avoir été exposé habituellement au risque de contamination par le Covid-19 pour que sa pathologie soit présumée d’origine professionnelle.
Toute la difficulté pour l’employeur sera donc, là encore, de démontrer que le salarié n’a pas été exposé habituellement au risque de contamination par le Covid-19.
En période de pandémie, il est particulièrement difficile d’établir un lien de causalité entre une contamination, un lieu et un temps sauf si dans un foyer de contagion le cas 0 se retrouvait dans l’entreprise. Il est tout aussi difficile d’établir que la contamination à une cause totalement étrangère au travail. Cette question du lien de causalité est essentielle et sera nécessairement dans le débat de l’origine professionnelle ou non d’un accident ou d’une maladie.
L’employeur doit par conséquent être très attentifs aux conditions de travail de ses salariés et avant tout, prévenir tout risque de contamination au Covid-19.
c. Le risques de faute inexcusable de l’employeur
Les salariés peuvent encore se prévaloir du manquement de l’employeur à son obligation de prévention et engager une action en reconnaissance de sa faute inexcusable en application des dispositions des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.
Une telle action supposera avant tout la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie du salarié au titre du Covid-19.
L’employeur pourra évidemment contester le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, le Covid-19 étant une maladie contagieuse qui peut être contractée à tout moment et en tout lieu, et pas seulement sur le lieu de travail.
Il pourra encore contester les allégations du salarié et soutenir qu’il ne pouvait pas avoir conscience d’exposer le salarié au risque de contamination au Covid-19 compte tenu des fonctions du salarié et des mesures de prévention prises dans l’entreprise mais à cet égard, il est important de rappeler que la faute inexcusable peut être présumée si le salarié demande à exercer son droit de retrait et que le risque d’être contaminé par le Covid-19 se réalise.
Il faut souligner encore que certains demandent aujourd’hui au Gouvernement la création d’un Fond d’Indemnisation des Victimes du Covid-19 semblable à celui crée pour l’amiante et devant une telle éventualité se posera nécessairement la question de son financement par les employeurs puis des actions récursoires potentielles de ce fonds à l’encontre des employeurs.
Aussi, nous ne saurions que trop conseiller aux employeurs, au vu des risques et des incertitudes tant juridiques que scientifiques afférents au Covid-19, de respecter l’ensemble des mesures gouvernementales et de s’assurer de leur mise en œuvre effective dans l’entreprise.
L'équipe Reed Smith dédiée au Coronavirus comprend des avocats pluridisciplinaires d'Asie, des États-Unis, d'Europe et du Moyen-Orient, prêts à vous conseiller sur les questions ci-dessus ou toute autre interrogation que vous pourriez avoir en rapport avec le COVID-19.
Pour plus d'informations sur les implications juridiques et commerciales du COVID-19, visitez le centre de ressources Reed Smith Coronavirus (COVID-19) Resource Center ou contactez-nous COVID-19@reedsmith.com
- Ministère du Travail, Protocole national de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés, 3 mai 2020
- https://www.reedsmith.com
- Communication de la CNIL, « Coronavirus (COVID-19) : les rappels de la CNIL sur la collecte des données personnelles », 6 mars 2020
- Cass. Ass. Plen. 5 avril 2019, n°18/17442, Publié au bulletin ; Cass. Soc. 11 septembre 2019, n°17-24.879 à 17-25.623
- https://www.pasteur.fr
- Cass. 2e civ. 11 juillet 2019, n°18-19160, Publié
Client Alert 2020-303